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A Ottawa, la logistique bien rodée des manifestants
Des petites mains pour les repas, un camp de base en dehors du centre-ville, des financements et d'anciens policiers pour l'encadrement... les manifestants contre les mesures sanitaires d'Ottawa ont derrière eux une organisation parfaitement rodée, qui peut leur permettre de tenir.
En deux semaines d'occupation, ils ont eu le temps d'installer leurs quartiers: il y a des stands pour le café ou le thé, d'autres pour un repas chaud, des jeux pour les enfants et des feux de camps pour se réchauffer... et même des chambres d'hôtel à disposition.
Sous une petite tente installée dans la rue du Parlement, cœur de la contestation, deux femmes s'approchent pour déposer des bouilloires à côté de montagnes de bouteilles d'eau et de cannettes de soda. Puis repartent.
Sur ce stand, Elian Renaud, mécanicien de 18 ans est chargé du café dès 4 heures du matin. "Les camionneurs sont contents de manger un bon repas chaud, pas juste des petites collations", explique-t-il à l'AFP.
Et puis autour il y a le balai des préposés aux bidons d'essence... les camions et autres pick-ups qui encombrent les rues de la capitale fédérale n'ont jamais manqué de carburant. La police a promis de le saisir pour asphyxier le mouvement, mais a très vite renoncé... dépassée par le nombre et l'organisation des protestataires.
Le chef de la police d'Ottawa Peter Sloly a reconnu jeudi faire face à un mouvement "très élaboré".
"Ils ont la capacité de diriger une organisation solide ici, à l'échelle provinciale, et même sur le plan national, et nous voyons cela se dérouler en temps réel", a-t-il soutenu.
- Stocks de nourriture -
Dans l'encadrement se trouvent d'anciens membres de force de l'ordre, dont certains ont démissionné pour ne pas avoir à se faire vacciner.
C'est le cas de Daniel "Danny" Bulford. Cet ancien policier, qui se décrit comme ayant "l'expérience des opérations de protection pour les grands événements", a expliqué lors d'une conférence de presse qu'il servait "à assurer la sécurité et faisant la liaison avec la police".
Le groupe Police on Guard, qui regroupe des policiers opposés aux mesures sanitaires, telles que la vaccination obligatoire pour les employés fédéraux, explique sur son site internet soutenir le mouvement et diffuse des vidéos de la manifestation.
Et le centre névralgique de cette organisation se trouve finalement en dehors du centre-ville à quelques kilomètres de là, près du stade de baseball, sur le chemin Coventry, a constaté une journaliste de l'AFP.
Cet immense stationnement ressemble à un camp de base: des tentes où sont entreposés des stocks de nourriture, de l'essence, mais aussi des rangées de toilettes chimiques portatives.
Dans ce véritable centre d'approvisionnement, Daniel Gagnon, portant bouc et petites lunettes rondes, confectionne des pancartes qu'il vend pour 20 dollars, une somme qu'il reverse aux camionneurs.
"S'il manque quelque chose pour un camionneur, pas de problème, on le trouve", et ce gratuitement, assure ce grand-père québecois.
Des petites mains s'assurent aussi que les camionneurs puissent aller se doucher, en chambre d'hôtel ou chez des habitants qui les soutiennent.
- Cagnottes gelées -
Sur place, le gel de millions de dollars récoltés en ligne pour les manifestants ne semble pas avoir eu de conséquences. Ouverte fin janvier sur GoFundMe, une cagnotte de soutien comptant plus de 10 millions de dollars canadiens (6,8 millions d'euros) avait en effet été suspendue.
Dans la foulée, une autre campagne de dons avait été lancée sur le site chrétien GiveSendGo, récoltant aussi plusieurs millions de dollars, avant qu'elle ne soit à son tour gelée jeudi par la Cour supérieure de l'Ontario.
Vendredi, Justin Trudeau a indiqué que 50% des fonds donnés pour cette contestation, baptisée "convoi de la liberté" venaient des Etats-Unis. Le mouvement est soutenu depuis le début par les milieux conservateurs américains.
"Je n'ai pas besoin de ça", balaie Scott Holt à propos des cagnottes.
"Je suis soutenu financièrement: les gens m'apportent de l'argent! Si j'ai besoin de nourriture, j'en ai. Si j'ai besoin d'essence, j'en ai. De quoi d'autre ai-je besoin?", lance ce Canadien de 58 ans, présent depuis le premier jour, et installé dans son camion.
P.Queiroz--PC