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Justice et renseignement sceptiques face aux motivations de l'administration Trump sur les migrants "criminels"
Le juge américain qui a suspendu la semaine dernière des expulsions ordonnées par l'administration Trump s'est inquiété vendredi à l'audience des répercussions "incroyablement problématiques" du recours à une loi d'exception utilisée jusqu'alors uniquement en temps de guerre.
Autre coup porté à la crédibilité de l'administration Trump en la matière, la communauté américaine du renseignement a conclu dans un récent rapport que le gang vénézuélien Tren de Aragua, décrété "organisation terroriste" par Washington et officiellement visé par l'invocation de cette loi, n'était pas un instrument du régime du président Nicolas Maduro, rapporte vendredi le New York Times.
Donald Trump s'est déchaîné cette semaine contre le juge James Boasberg, allant jusqu'à appeler à sa révocation, suscitant un rare rappel à l'ordre du président de la Cour suprême, John Roberts.
La déclaration présidentielle invoquant la loi de 1798 autorisant l'arrestation et l'expulsion des "ennemis étrangers", datée du 14 mars, a été publiée par la Maison Blanche le lendemain, quelques heures avant l'expulsion vers le Salvador de plus de 200 personnes présentées comme des membres présumés du gang.
"Pourquoi cette déclaration a-t-elle été signée dans l'obscurité vendredi (14 mars, NDLR) et ces gens embarqués à la hâte dans des avions?", s'est interrogé le juge Boasberg, lors d'une audience vendredi au tribunal fédéral de Washington.
"Il me semble que la seule raison d'agir ainsi est que vous savez qu'il y a un problème et que vous voulez les faire sortir du pays avant que des recours judiciaires ne soient présentés", a-t-il lancé au juriste représentant le gouvernement, Drew Ensign.
"Que se passe-t-il pour ceux qui ne sont pas membres de Tren de Aragua ou pas citoyens vénézuéliens, comment peuvent-ils contester leur expulsion?", a souligné le magistrat, qui a suspendu les expulsions en vertu de cette loi jusqu'à la fin du mois.
Au nom des personnes visées par ces expulsions, un avocat de l'influente organisation de défense des droits civiques ACLU, Lee Gelernt, a insisté sur la nécessité de "pouvoir contester" leur appartenance au gang.
"Les répercussions politiques sont incroyablement problématiques et préoccupantes", a abondé le juge, soulignant que cette déclaration représentait "une utilisation sans précédent et étendue" d'une loi jusqu'alors invoquée exclusivement dans un contexte de conflit militaire, "lorsqu'il était indiscutable qu'il y avait une déclaration de guerre, et qui était l'ennemi".
- Lien avec le régime Maduro contesté -
Mais Donald Trump a réaffirmé vendredi que cette déclaration lui donnait le pouvoir d'arrêter et d'expulser des étrangers sans contrôle judiciaire.
"C'est ce que dit la loi et ce dont ce pays a besoin", a déclaré le président républicain en réponse à une question de la presse, accusant une nouvelle fois son prédécesseur démocrate Joe Biden d'avoir "laissé entrer sans aucun contrôle" des millions d'immigrés.
"On m'a dit qu'ils étaient passés par un très important processus de filtrage et cela continuera au Salvador", a-t-il indiqué, interrogé sur des garanties selon lesquelles l'intégralité de plus de 200 personnes expulsées et incarcérées dans une prison salvadorienne de haute sécurité seraient des "criminels".
Un rapport de la communauté américaine du renseignement daté du 26 février contredit par ailleurs les motivations de la déclaration présidentielle sur les "ennemis étrangers", concluant que le gang visé agit indépendamment du pouvoir à Caracas, rapporte le New York Times, citant des responsables proches du dossier sous le couvert de l'anonymat.
Tren de Aragua "mène des actions hostiles et se livre à une guerre irrégulière contre le territoire des Etats-Unis à la fois directement et à l'instigation, clandestine ou autre, du régime Maduro au Venezuela", selon le texte de la déclaration.
Le ministère de la Justice a répliqué en annonçant l'ouverture d'une "enquête pénale sur la fuite sélective d'informations inexactes et néanmoins classifiées de la communauté du renseignement au sujet de Tren de Aragua".
Le ministère déplore dans un communiqué des "tentatives à motivation politique de l'Etat de l'ombre pour saper le programme du président Trump par la fuite de fausses informations".
Le recours à la loi de 1798 "s'appuie sur les faits, le droit et le bon sens, ce que nous démontrerons en justice avant de chasser les terroristes de Tren de Aragua de ce pays", assure-t-il.
T.Batista--PC