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Marée humaine à Belgrade contre la corruption
Une marée humaine a défilé dans les rues de Belgrade samedi, une manifestation historique après des mois de contestation contre la corruption, menée par les étudiants serbes déterminés à montrer que "le changement est possible".
Entre 275.000 et 325.000 personnes ont battu le pavé selon les estimations d'un organisme de comptage indépendant. Ce qui en ferait la plus grande manifestation depuis l'arrivée au pouvoir du président Aleksandar Vucic il y a une décennie, et l'une des plus grandes de l'histoire moderne de la Serbie.
Le ministère de l'Intérieur avait de son côté annoncé précédemment 107.000 manifestants.
Rassemblée depuis midi dans les rues de la capitale, une véritable marée humaine a manifesté dans le calme, malgré quelques incidents sporadiques en fin de manifestation.
Le mouvement, qui secoue la Serbie comme rarement depuis les années 1990, est né de l'accident de la gare de Novi Sad le 1er novembre, qui a fait 15 morts lorsque s'est écroulé l'auvent en béton du bâtiment tout juste rénové.
La colère a explosé, une partie des Serbes voyant dans cet accident le reflet d'une corruption qui, selon eux, entache les institutions et les travaux publics. De semaine en semaine, le mouvement s'est étendu, avec des manifestations quotidiennes demandant des comptes aux responsables de l'accident, la libération des manifestants arrêtés mais aussi un système moins corrompu.
"Nous nous sommes organisés à partir de rien et avons accompli beaucoup de choses" a lancé depuis une scène sur la principale place de la ville une étudiante. "Nous avons uni le pays, les générations, éveillé la solidarité et l'empathie, et montré que le changement est possible lorsque nous nous battons ensemble."
Autour d'elle, une foule dense arborait des drapeaux et insignes allant de la droite nationaliste à l'extrême gauche en passant par les écologistes.
"Pumpaj ! Pumpaj !" (Pompe ! Pompe !) chantaient-ils, le slogan du mouvement, destiné à montrer que leur énergie ne faiblira pas. Beaucoup portaient un pin's avec une main ensanglantée - le symbole du mouvement qui a adopté comme mot d'ordre "la corruption tue".
"Je passe un moment incroyable, comme à chaque manifestation jusqu'à présent. C'est un succès, comme tout ce que les étudiants ont fait jusqu'à présent. Ils sont plus intelligents que nous tous", souriait Sandra Zlatanovic, 44 ans, enveloppée dans un drapeau serbe.
Non loin, Moma Milovanovic, 70 ans, regardait la foule. "C'est magnifique. C'est la Serbie, la vraie Serbie, que l'ont veut". "Mon coeur explose. Je serai toujours du côté des jeunes", abonde son mari, Slavica.
- Calme -
La manifestations avaient été organisée sous haute tension, après que le gouvernement a accusé les protestataires d'être payés par des agences étrangères, de préparer des actions violentes, voire une révolution.
Les vitres des bâtiments officiels étaient protégées depuis samedi matin, et des policiers antiémeutes stationnés devant le parlement, la présidence, et la mairie.
Pour sécuriser la manifestation, des groupes de motards, de vétérans et le service d'ordre des étudiants, qui assure depuis le début la sécurité du mouvement, ont formé un filet de sécurité autour du cortège, en particulier au niveau du parlement et de la présidence.
Dans un communiqué diffusé sur les réseaux sociaux, les étudiants avaient dès vendredi appelé à manifester "dans le calme et de façon responsable". "L'objectif de ce mouvement n'est pas l'intrusion dans des institutions, ni d'attaquer ceux qui ne pensent pas comme nous (…). Ce mouvement ne doit pas être utilisé à mauvais escient", ont-ils écrit.
Leurs conseils ont été suivis et la foule des manifestants a évité les endroits tendus du parcours.
Les manifestants se sont dispersés dans le calme à partir de 21H00 locales.
Les tensions précédant la manifestation situation ont fait réagir l'ONU, qui a appelé les autorités serbes à ne pas "interférer indûment" dans la manifestation et à "respecter l'exercice complet des droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'expression".
"Nous sommes un pays extrêmement démocratique", a répondu dans la soirée de vendredi, lors d'une allocution, le président serbe Aleksandar Vucic, affirmant: "Nous ferons tout ce que nous pouvons pour sécuriser le rassemblement". Et d'ajouter aussitôt: "Pour être clair, je suis le président de ce pays, et je ne laisserai pas la rue dicter les règles".
Dans une allocution samedi soir, le président a exprimé sa "satisfaction" que la manifestation se soir déroulée "sans victime ni blessure graves".
F.Ferraz--PC