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Cibles de la campagne présidentielle aux Etats-Unis, les migrants préfèrent la voie légale
"Enfin j'y suis, grâce à Dieu!", s'exlame le vénézuélien Jorluis Ocando, 28 ans, à son arrivée à El Paso, au Texas dans le sud des Etats-Unis, ville jumelle de Ciudad Juarez au Mexique.
Comme lui, bien des migrants, cibles de la campagne présidentielle aux Etats-Unis, préfèrent passer légalement la frontière, dans l'attente du résultat de l'élection du 5 novembre entre Kamala Harris et Donald Trump.
Résultat: les berges du "Rio Bravo" sont vides, et les refuges des deux côtés de la frontière se sont vidés aussi.
De 250.000 en décembre, les entrées illégales sont passées à près de 54.000 en septembre dernier, selon l'administration du président démocrate Joe Biden.
"Il vaut mieux entrer légalement", explique Jorluis, un des huit millions de Vénézuéliens qui ont quitté leur pays.
Après un périple de huit mois, il a obtenu un rendez-vous pour une demande d'asile sur l'application CBP One, portail unique pour accéder aux services américains de la protection des douanes et des frontières.
Téléchargeable au Mexique, CBP One permet aux migrants demandeurs d'asile de programmer des rendez-vous.
Résultat: Jorluis compte parmi les 1.500 étrangers accueillis chaque jour par les autorités américaines aux huit points de passage de la frontière longue de plus de 3.000 km, de Tijuana au golfe en passant par Juarez.
Selon un garde-frontière mexicain, ceux qui obtiennent un rendez-vous par le CBP One sont presque toujours autorisés à passer. "Je n'ai vu que deux personnes qui ont été refoulées", dit-il.
Nous préférons "ne pas risquer d'entrer illégalement, surtout pour nos enfants", explique aussi Denia Ramirez, Hondurienne de 37 ans, qui traverse le pont international avec une de ses sœurs et six enfants.
"Traverser avec le coyote (trafiquant) est très dangereux. On a vu à la télé que quelqu'un est mort l'autre jour dans le désert, qu'ils les abandonnent", raconte Pedro, un Mexicain qui a quitté l'Etat du Michoacán et la violence des cartels.
A El Paso, le Vénézuélien Jorluis va vivre dans l'incertitude: il doit attendre des mois son audience d'asile, et peut travailler dans l'intervalle.
Une possible victoire de Donald Trump le 5 novembre le préoccupe.
"On entend beaucoup sur les réseaux sociaux que si un nouveau gouvernement arrive, ils vont supprimer le CBP One", s'inquiète-t-il, en référence à la menace du républicain de réaliser la "plus grande déportation de l'histoire" des Etats-Unis s'il bat la démocrate Kamala Harris mardi prochain.
- "La plupart ne gagneront pas" -
La campagne présidentielle américaine a entraîné un durcissement des positions envers la migration.
Donald Trump, qui a promis en 2016 de construire un mur le long de la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique, a traité les immigrants de "rats" et d'"empoisonner le sang" américain.
Kamala Harris a elle menacé de "conséquences" les migrants rentrés illégalement dans le pays.
"Mme Harris poursuit le durcissement de la position de M. Biden, y compris la décision controversée d'empêcher les personnes qui franchissent illégalement la frontière de demander l'asile", explique Christopher Sabatini, expert du groupe de réflexion Chatham House basé à Londres.
Toutefois, la vice-présidente propose aussi des alternatives pour régulariser les migrants présents depuis des années sur le sol américain.
La baisse d'arrivées de migrants à la frontière est un soulagement pour les autorités de Juarez, après le drame de mars 2023.
Quarante personnes, originaires du Venezuela et d'Amérique centrale, étaient mortes dans l'incendie d'un centre de détention migratoire.
Aujourd'hui, les abris sont remplis à 40% environ, selon Enrique Valenzuela, coordinateur des migrations dans l'Etat de Chihuahua, où se trouve Juarez.
La situation est similaire à El Paso, où le refuge Casa del Sagrado Corazon, qui a accueilli quelque 25.000 migrants depuis 2022, a fermé le 7 octobre parce qu'il ne comptait plus qu'une poignée d'hôtes, explique son responsable le prêtre Rafael García.
M. Garcia s'inquiète pour l'avenir des migrants qui sont autorisés à entrer légalement dans le pays pour demander l'asile.
"Il s'agit d'un rendez-vous avec un juge de l'immigration pour présenter un dossier. La plupart ne gagneront pas", dit-il.
Une inquiétude partagée par Rubén Garcia, qui dirige Annunciation House, une organisation bénévole d'El Paso qui accueille des migrants depuis 50 ans.
Si Mme Harris gagne, ils continueront de faire entrer les personnes au compte-goutte. En réalité, "il faudrait 10.000 rendez-vous par jour pour que les migrants et leurs familles n'aient pas à traverser le désert", juge-t-il.
Mais si M. Trump gagne, "s'ils sont entrés avec le CBP One maintenant ou le 5 novembre n'aura pas d'importance", car "il dit qu'il les déportera".
P.Sousa--PC