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A Pokrovsk, des Ukrainiens prêts à s'accommoder d'une occupation russe
L'artillerie gronde au loin, tandis que Galyna s'avance, le pas assuré, dans les rues désertées de Pokrovsk, dans l'est de l'Ukraine. Cette femme de 53 ans assure que l'arrivée possible de l'armée russe, désormais à moins de dix kilomètres de la ville, ne la préoccupe pas plus que ça.
"Je n'ai pas peur, pourquoi devrais-je ?", dit-elle, marchant pour rentrer chez elle, avant le couvre-feu imposé de 15H00 à 11H00 tous les jours du fait de la fréquence des frappes.
"Nous n'irons nulle part, c'est chez nous ici (...) Je suis pour la paix", poursuit-elle, refusant de donner son nom de famille de crainte de représailles.
Galyna fait partie des milliers d'habitants de cette cité du Donbass qui refusent de partir, malgré les appels insistants des autorités à évacuer cette ville clé pour la logistique de l'armée ukrainienne dans l'est du pays, visée sans cesse par des frappes russes.
Selon les autorités, il reste encore 16.000 personnes à Pokrovsk, contre 48.000 un mois plus tôt. Certains refusent de quitter leur maison, d'autres des proches ou un emploi qui fait vivre une famille entière. Mais certains, comme Galyna, se disent prêts à s'accommoder de l'arrivée des Russes.
"Les méchantes nations, ça n'existe pas, il y a juste des gens qui sont méchants, si vous voyez ce que je veux dire", dit-elle à l'AFP.
Pavlo Diatchenko, un porte-parole de la police de Pokrovsk, confirme qu'il y a des habitants qui "restent pour attendre" les Russes, mais "c'est un petit nombre, ce n'est pas massif", assure-t-il.
- "Surréalisme" -
Une coordinatrice des évacuations pour l'ONG ukrainienne Children New Generation Alina Soubotina décrit, elle, une réalité bien plus épineuse dans le Donbass ukrainien, dont Moscou revendique l'annexion.
"C'est un gros problème, nous sommes confrontés à de la grosse propagande" russe, dit-elle.
Car le message de Vladimir Poutine, selon lequel son "intervention" vise à protéger les populations russophones, en convainc certains dans cette zone en guerre depuis 2014, lorsque Moscou a fomenté un conflit armé séparatiste, divisant la région et ses habitants.
Mme Soubotina se dit abasourdie que certains de ses concitoyens puissent voir en Moscou un sauveur, alors même que les villes conquises par la Russie, comme Avdiïvka, Marioupol, Mariïnka ou Bakhmout ont été ravagées, voire rasées par les frappes russes.
"C'est absurde, du surréalisme! Tu leur dis pourtant que c'est faux, que les villes brûlent, que rien de positif ne les attend (sous occupation russe) et qu'il faut partir!", raconte-t-elle.
Lilia Deïnega, 28 ans, s'emporte lorsqu'elle entend dire que des compatriotes pensent que les troupes russes les épargneront.
Elle-même vient de fuir sa bourgade de Grodivka, 15 km plus à l'est, face à l'avancée des Russes, et elle s'apprête à quitter Pokrovsk. Ses voisins, dit-elle, ont été tués dans une frappe de drone russe.
- Amis et camarades -
"Les (Russes) disent +on vient vous sauver+, mais de quoi? Nous n'avons pas besoin d'être sauvés, tout allait bien avant qu'ils ne se pointent!", lâche la jeune femme.
Le discours du Kremlin a ses adeptes particulièrement parmi les générations qui gardent un souvenir nostalgique de l'URSS, dont l'effondrement, à la fin de la Guerre froide, a donné naissance à l'Ukraine contemporaine en 1991.
Assis sur un banc devant une église de Pokrovsk, Sergueï, 82 ans, dit qu'il accepterait l'occupation, et préfère donc taire son nom de peur de représailles.
"Les gens continuent de vivre leur vie dans les territoires occupés", assure le vieillard.
Son amie Nina, 82 ans elle aussi, acquiesce: "Les Russes ? Nous étions toujours des amis, des camarades (...) tout ce foutoir a commencé dans les années 90", assure la vieille femme, en référence à la chute de l'Union soviétique.
Les propos de Nina ne sont pas sans rappeler la ligne officielle russe, présentant l'Occident comme l'instigateur d'une rupture entre "peuples frères", passant sous silence la répression soviétique comme les exactions commises par l'armée russe depuis l'invasion.
"Certains resteront, quoiqu'il arrive. Ils ont fait leur choix", constate Mme Soubotina de l'ONG Children New Generation.
Galyna est de ceux-là: "Si je meurs, au moins ce sera sur ma terre".
N.Esteves--PC