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TikTok et barbecues, l'extrême droite allemande à la conquête des jeunes électeurs
Autocollants, bonbons, tracts vantant un jeu vidéo pour "sauver l'Allemagne": à Oranienbourg, ville voisine de Berlin, les "goodies" s'arrachent au stand de l'organisation de jeunesse du parti d'extrême droite AfD.
L'eurodéputé Maximilian Krah est accueilli en rock star par des grappes d'adolescents venus assister au meeting des candidats AfD pour les élections régionales qui se déroulent dimanche dans le Brandebourg, le Land entourant la capitale allemande.
Les jeunes se pressent autour de M. Krah, un avocat de 47 ans, controversé au sein même de son parti, mais suivi par des dizaines de milliers de sympathisants sur le réseau social TikTok.
Veste noire à capuche, Jorn Paul Plewka, 17 ans, est l'un d'eux et confie "avoir été attiré vers l'AfD par les vidéos sur l'immigration" de cet élu et père de 8 enfants.
"Pendant longtemps, l'AfD peinait à recruter chez les jeunes. Mais depuis un an, elle a changé de stratégie et c'est payant", explique à l'AFP Johannes Hillje, expert en communication politique.
Preuve de ce succès : aux élections régionales qui se sont tenues le 1er septembre dans deux autres États de l'est de l'Allemagne, le parti d'extrême droite a obtenu chez les 18-24 ans des scores supérieurs au reste des votants : 38% en Thuringe (contre 32,8% pour l'ensemble des électeurs), 31% en Saxe (contre 30,6% pour l'ensemble), selon une étude Infratest Dimap.
- "La patrie d'abord" -
"Les jeunes, c'est l'assurance vie d'un parti: le premier bulletin dans l'urne marque la biographie d'un électeur qui a de bonnes chances de continuer à voter pour eux ensuite", observe M. Hillje pour expliquer cette stratégie de conquête.
Pour l'élection dans le Brandebourg, l'AfD est au coude à coude dans les sondages avec les sociaux-démocrates du chancelier Olaf Scholz qui gouvernent cette région de l'ex-RDA depuis la réunification.
Pour Max, 21 ans, qui refuse de donner son nom de famille, l'AfD c'est "l'amour de la patrie d'abord".
Petit drapeau allemand dans la poche au meeting d'Oranienburg, ce jeune commercial affirme avoir converti ses parents, jusqu'ici abstentionnistes, et ses grands-parents conservateurs.
"Ils ont remarqué que cela n'allait plus", dit-il, citant l'exemple de sa grand-mère de 72 ans, qui travaille comme infirmière pour arrondir sa retraite, plus faible à l'est qu'à l'ouest du pays. "Elle fait les nuits car cela rapporte davantage", indique-t-il.
Jason Sowada, 14 ans, dont les parents votent social-démocrate, explique "ne plus se sentir en sécurité". "Certains de mes amis, attaqués au couteau par des migrants, ont dû aller à l'hôpital", affirme-t-il. Jeremy Saleschke, 15 ans, se plaint de ne pouvoir étudier en classe: "la moitié des élèves ne parlent pas allemand", selon lui.
Participant à une petite contre-manifestation, Eike Simonrinn, un étudiant de 21 ans qui a grandi à Oranienbourg, s'inquiète de la popularité acquise par le parti chez les jeunes : "hier, j'ai rencontré des amis de mon ancienne école. L'AfD touche tout le monde, peu importe les revenus, la classe sociale".
- "Tracts devant les écoles" -
"Dans le Brandebourg", souligne Anna-Sophie Heinze, professeur à l'université de Trèves, "l'AfD est le seul parti qui distribue des tracts devant les écoles".
Le fer de lance auprès des jeunes est l'organisation "Junge Alternative" qui propose "loisirs, soirées barbecue, jeux ou bowlings, excursions, pour recruter de nouveaux membres", observe-t-elle.
Le message adressé aux jeunes suit strictement la ligne du parti, créé en 2013 : rejet des réfugiés et de l'immigration, des lois environnementales, du soutien à l'Ukraine, critiques des partis traditionnels jugés responsables de la stagnation économique du pays.
Certains responsables de l'AfD plaident pour rompre avec la culture de repentance des crimes nazis, comme Björn Höcke, condamné à deux reprises pour avoir utilisé un slogan nazi : "Alles für Deutschland" ("Tout pour l'Allemagne").
Des mots auxquels souscrit le jeune Jorn Paul Plewka car "c'est important de faire quelque chose pour son pays", même si la référence historique est dérangeante.
Le lycéen a en tout cas apprécié sa récente visite au camp de concentration de Sachsenhausen, voisin de Oranienburg, avec sa classe de seconde, car, dit-il, c'est nécessaire d'"expliquer aux jeunes ce qu'il s'y est passé".
O.Gaspar--PC