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Dans l'est déchiré de la RDC, un nouveau front ouvert par d'anciens rebelles
Au pied du volcan éteint Mikeno, dans l'est de la République démocratique du Congo, des villages entiers sont déserts. Leurs habitants ont fui cette semaine des affrontements violents entre l’armée et les ex-rebelles du "M23", qui auraient fait une trentaine de morts parmi les militaires.
"Nous avons inhumé hier (jeudi) 30 corps de soldats" au camp militaire de Rumangabo, près du parc national des Virunga, explique à l'AFP Jean Bosco Kazibat, membre de la Croix-rouge locale. "Deux autres, des officiers, ont été ramenés à Goma", chef-lieu de la province du Nord-Kivu, à une cinquantaine de km au sud, ajoute-t-il.
Des sources locales établissaient mercredi à plus d'une vingtaine le nombre de militaires, dont un colonel, tués dans la nuit de lundi à mardi dans l'attaque d'une position de l'armée à Nyesisi, sur le territoire de Rutshuru, attribuée au "mouvement du 23 mars".
Les forces armées de RDC (FARDC) n'ont pas communiqué sur ce bilan mais évoqué sur les réseaux sociaux leur riposte "à l'arme lourde" ayant visé les collines temporairement occupées par les rebelles.
Selon des représentants de la société civile, les rebelles ont eux aussi perdu des hommes mais, disent-ils, il est impossible de savoir combien parce qu'ils les ont inhumés avant de se retirer.
Le M23, également appelé "Armée révolutionnaire du Congo", est issu d'une ancienne rébellion tutsi congolaise du Nord-Kivu jadis soutenue par le Rwanda et l'Ouganda, pays frontaliers de cette province en proie depuis plus de 25 ans aux violences de nombreux groupes armés.
Défait en 2013 par l'armée congolaise, le M23 refait parler de lui depuis début novembre, quand il a été accusé d'avoir attaqué plusieurs positions militaires.
- "On ne sait pas où on va vivre" -
L'attaque de lundi soir "a eu lieu vers minuit, j’ai fui avec ma femme et mes sept enfants, laissant tout dans la maison. Les maisons de mes voisins ont été détruites par des bombes, on ne sait pas où on va vivre...", témoigne Jean de Dieu Ndibaganira, 52 ans, habitant du village de Ngugo, réfugié avec les siens dans la localité voisine de Rugari.
Une centaine de familles sont installées là, dans une école primaire et à la paroisse. La vie s'organise tant bien que mal. De jeunes enfants jouent au foot, des mamans cuisinent par terre dans des petites casseroles.
"Nous comptons aujourd’hui plus de 8.000 ménages qui ont fui les affrontements", explique Eric Mashagiro Ngaruye, chef du groupement (entité administrative) de Rugari, en demandant l'assistance d'organisations humanitaires.
D'autres familles, dépourvues de tout, se sont dirigées vers Kibumba, dans le territoire de Nyiragongo. Les combats ont duré deux jours, le calme est revenu mais les villageois craignent de nouvelles attaques et ne sont pas prêts à rentrer chez eux.
Les villages de Bukima, Nyesisi, Ruhanga, Mukefu, Ngungo, Gekere, Butaka et d’autres sont vides. A Nyesisi comme à Ngungo, les portes des maisons ont été cassées, tout a été pillé à l'intérieur. Seuls des objets sans valeur sont visibles dans les cours.
- Accords passés -
"J’ai fui seulement avec ce pagne et cette blouse quand le M23 a attaqué la nuit", montre Odette Baraka, mère de 10 enfants. Elle accuse des "militaires rwandais" de cette attaque et dit craindre d'être tuée par "les rebelles tutsi".
"Dire que (ces rebelles) sont associés au Rwanda est un non sens !", a protesté dans une interview au magazine Jeune Afrique publiée vendredi le président rwandais Paul Kagame.
Certains villageois disent que les hommes du M23 leur ont affirmé ne pas vouloir occuper le pays, mais être intégrés dans l'armée congolaise, conformément à des accords conclus par le passé mais, disent-ils, non respectés.
Dans le camp militaire de Nyesisi, dont l'accès n'a pas été autorisé à l'équipe de l'AFP, des renforts ont été envoyés après l'attaque du début de semaine. La mission de l'ONU en RDC (Monusco) a installé de son côté des bases temporaires dans le groupement de Rugari, dont une dans l'école abritant des déplacés.
Moïse Nizingi, 25 ans, se montre pessimiste quant à la capacité de la force onusienne de ramener le calme. "Nous demandons au gouvernement d’envoyer des forces", implore-t-il.
Le Nord-Kivu et la province voisine de l'Ituri sont depuis mai dernier sous état de siège, une mesure qui donne pleins pouvoirs à l'armée et la police mais n'est pas parvenue jusqu'à présent à mettre fin aux violences.
P.Queiroz--PC