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La proportionnelle de retour au cœur du débat politique
Le RN en a fait une mesure incontournable pour ne pas censurer un gouvernement: l'instauration de la proportionnelle aux élections législatives. Plébiscitée de l’extrême droite au Nouveau Front populaire, cette réforme institutionnelle est brandie comme une solution à la crise de régime inédite que traverse le pays depuis sept semaines.
La situation de blocage politique qui s’éternise est pour beaucoup le signe d’un épuisement de la Ve République, et plus particulièrement de l’élection législative au scrutin majoritaire à deux tours. De fait, ce dernier n’a pas permis de dégager une majorité absolue qui garantisse la stabilité de nos institutions, mais trois blocs incapables de s’entendre sur une majorité gouvernementale.
"Une situation de quasi explosion, comme avec la pire des proportionnelles mais avec les réflexes du scrutin majoritaire, c'est-à-dire que personne ne parle avec personne", résume auprès de l'AFP François Bayrou, défenseur historique du scrutin proportionnel.
La proportionnelle permettrait d'avoir "une meilleure représentation des Français", et de "sortir (des) logiques d’appareils politiques", a résumé la socialiste Carole Delga lors de sa conférence de presse de rentrée lundi.
Traditionnellement défendue par les formations politiques marginales, la proportionnelle séduit aujourd'hui plus largement la classe politique. "Le regard sur la proportionnelle a changé", observe la constitutionnaliste Marie-Anne Cohendé.
La présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet avait elle-même relancé le débat en mars dernier, assurant qu'avec la proportionnelle, "l'Assemblée ressemblerait davantage aux Français". Elle proposait des listes à la proportionnelle dans les départements les plus peuplés, et le maintien du scrutin majoritaire dans les autres.
La question s'est aussi invitée dans les échanges entre le groupe Liot à l'Assemblée nationale et Emmanuel Macron, dans le cadre des consultations menées par le président de la République pour Matignon.
- Une réforme simple -
Si la proportionnelle ne garantit pas une majorité stable, elle "obligerait les partis à négocier", assure Marie-Anne Cohendé.
Pour François Bayrou, la proportionnelle "invite à faire des alliances, mais pas de la soumission".
Elle pourrait ainsi donner aux socialistes la possibilité de s'émanciper de la tutelle de La France insoumise, argumentent ses partisans. "Cela permettrait aux sociaux-démocrates d'être vraiment sociaux-démocrates, de s'affirmer autrement", explique l'ancien socialiste François Rebsamen, proche d'Emmanuel Macron.
"Je suis convaincue que les partis français s'adapteront. Ceux qui ne le feront pas disparaîtront", estime la constitutionnaliste, qui invite à sortir "d'une vision dépassée de la Ve République" dans laquelle deux grands partis dominent l'espace politique.
"C'est un déni de réalité de la puissance de l'extrême droite", affirme Mme Cohendé. De fait, la proportionnelle testée en 1986 avait offert une percée historique au Front national de Jean-Marie Le Pen, qui avait fait entrer 35 députés.
Le passage à la proportionnelle ne nécessite pas de réviser la Constitution : une simple loi ordinaire permet de l'introduire aux élections législatives. "C'est la réforme la plus simple à mettre en œuvre pour changer notre modèle politique", commente Marie-Anne Cohendé.
"La proportionnelle ne va pas tout régler, mais elle peut affaiblir le Président, trop fort sous la Ve République, et aboutir à une vie politique moins violente. Mais il faut qu’on apprenne à faire des compromis si on veut de la stabilité", conclut Marie-Anne Cohendé.
Reste à savoir quelle forme de scrutin proportionnel pourrait être adoptée. Intégral, partiel, mixte, à prime majoritaire... Les options sont nombreuses, et leurs effets sur le jeu politique différents.
Beaucoup redoutent que la proportionnelle contribue à éloigner les députés du terrain.
Le candidat à l’élection présidentielle de 2027 Édouard Philippe pourrait s'y rallier, "si était rétablie la possibilité de cumuler un mandat exécutif local et le mandat parlementaire", a-t-il expliqué dans son interview au Point mardi.
"Méfions-nous d’un mode de scrutin qui laisserait la possibilité aux états-majors de partis politiques parisiens de construire des listes de candidats sans aucun lien avec les réalités politiques locales", a mis en garde l’ancien Premier ministre.
Le changement du scrutin législatif, "c'est peut-être un principe de réalité", observe sans grand enthousiasme un de ses proches sous couvert d'anonymat.
P.Mira--PC