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Pour de jeunes Palestiniens, "combattre" Israël sans passer par les factions traditionnelles
De récentes attaques menées par des Palestiniens en Israël montrent un glissement dans le "combat" contre l'Etat hébreu: autrefois chapeautées par les factions armées, elles sont désormais le fait de jeunes isolés, dont les frustrations ont pris le pas sur l'idéologie, estiment des analystes.
Sur un marché effervescent du centre de Ramallah en Cisjordanie occupée, on s'arrache le dernier vêtement à la mode: un t-shirt estampillé d'un fusil M-16. Dans sa boutique, Ahmed Abou Hamza, 40 ans, dit avoir vendu 12.000 de ses t-shirts la semaine passée.
"La demande est terrifiante", dit-il à l'AFP, liant la popularité de cette marchandise aux violences qui ont récemment augmenté à travers Israël et la Cisjordanie.
C'est avec un M-16 qu'un assaillant originaire du nord de la Cisjordanie a tué fin mars cinq personnes dans la ville israélienne de Bnei Brak, en banlieue de Tel-Aviv.
C'est également une arme qui circule largement dans la ville palestinienne de Jénine, dans le nord de la Cisjordanie, où se concentrent les raids israéliens en représailles à quatre attaques au total ayant coûté la vie à 14 personnes en Israël ces dernières semaines.
Hormis deux autres attaques anti-israéliennes inspirées ou revendiquées par l'organisation jihadiste Etat islamique (EI), les autres sont le fait de Palestiniens isolés, sans affiliation apparente à l'une des factions armées palestiniennes.
Pour des analystes, cela marque une évolution nourrie par les difficultés économiques et sociales des Palestiniens, par ailleurs confrontés à la colonisation de la Cisjordanie, occupée par l'Etat hébreu depuis 1967 et où vivent plus de 475.000 colons, une progression d'environ 50% en dix ans.
"Aujourd'hui il y a une génération post-factions qui est à l'initiative", indique Jihad Harb, un analyste politique palestinien.
"Les factions ne sont plus des modèles révolutionnaires et les opérations (anti-israéliennes) conduites aujourd'hui sont motivées par la vengeance: pour un père, un frère, un ami, ou pour n'importe quel Palestinien tué" par Israël, ajoute-t-il.
A partir d'octobre 2015 et pendant des mois, des attaques anti-israéliennes avaient déjà été commises le plus souvent par de jeunes Palestiniens isolés, sans lien avec l'une des trois factions armées palestiniennes les plus influentes.
- "Efforts individuels" -
Les Brigades des martyrs d'Al-Aqsa --branche armée du parti laïc Fatah du président Mahmoud Abbas-- le Hamas et le Jihad islamique - qui avaient revendiqué des attaques dans les années 1990 et au début des années 2000 - restent actifs dans de nombreux secteurs de Cisjordanie mais aussi, pour ces deux derniers mouvements islamistes, dans la bande de Gaza.
Mais "aujourd'hui le style a changé, il est clair que l'individualisme prédomine", note Bader Al-Araj, professeur de sociologie à l'université de Bir Zeit près de Ramallah.
Des "loups solitaires", souvent jeunes, sont guidés par "des conditions sociales, un manque d'espoir, une frustration, parfois des motifs religieux qui font que (les attaques) augmentent pendant le mois de ramadan", ayant commencé début avril, ajoute-t-il.
"Il est vrai que les opérations (anti-israéliennes) sont menées par des individus", affirme un haut responsable sécuritaire palestinien sous le couvert de l'anonymat, qui note que "les partis tentent d'exploiter ces opérations dans leur propre intérêt".
Les factions armées se sont abstenues par exemple de revendiquer les attaques récentes en Israël mais ont salué les assaillants, célébrés comme des "martyrs".
Pour Israël, cela pose un défi d'une nature différente, relève Michaël Milshtein, autrefois en charge du dossier palestinien pour le renseignement militaire israélien.
Face à de jeunes Palestiniens qui sortent d'un "cadre organisationnel" et "veulent s'exprimer et promouvoir des efforts individuels à travers des attaques", "il faut du renseignement beaucoup plus complexe", affirme M. Milshtein, désormais chercheur au centre Moshé Dayan rattaché à l'Université de Tel-Aviv.
"Par rapport aux institutions ou aux cellules organisées, il est très difficile de démasquer leurs intentions", ajoute-t-il, estimant que pour gérer le problème, il faut améliorer "la situation de la jeune génération en Cisjordanie".
Pour M. Milshtein, si les racines des attaques ne sont pas exclusivement sociales ou économiques, "en améliorant cette situation, on limitera peut-être les mobiles et le nombre de jeunes Palestiniens désireux de promouvoir de telles attaques".
A.P.Maia--PC