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Corse: dernier adieu à Yvan Colonna, l'enfant du pays, condamné pour l'assassinat du préfet Erignac
Elus, habitants, militants nationalistes: à Cargèse, en Corse, des centaines de personnes sont venues dire adieu vendredi à Yvan Colonna, l'enfant du pays, mortellement agressé par un codétenu dans la prison où il purgeait sa peine pour l'assassinat du préfet Claude Erignac.
Plusieurs centaines de personnes ont accompagné le cercueil, porté par six hommes, sur les quelque quatre kilomètres menant au caveau "Famille Joseph Colonna 1905", en pleine nature.
Juste avant l'inhumation, la foule rassemblée sur le chemin d'accès au caveau, à quelques mètres de la famille, a entonné le "Dio vi salvi Regina", l'hymne corse, puis des chants indépendantistes. Et si un homme, bouquet de violettes à la main, a regretté, d'un "vergogna" sonore (NDLR: "Honte à vous"), que "des chants de guerre (soient prononcés) devant un mort", la plupart ont par contre applaudi, répondant par des flots de "Viva Yvan !"
Arrivé peu après 14h00 à Cargèse, depuis Ajaccio, le cercueil avait d'abord fait un passage devant la maison familiale des Colonna, puis "devant le champ d'oliviers (qu'Yvan) avait dû abandonner un jour de mai 1999", avant ses quatre ans de cavale, comme l'avait annoncé l'avis de décès, en langue corse, dans le quotidien Corse-Matin.
Puis c'est une longue cérémonie religieuse qui avait suivi, en présence de plusieurs personnalités de l'île: Gilles Simeoni, le président autonomiste du Conseil exécutif, Jean-Guy Talamoni, l'ex-président indépendantiste de l'assemblée de Corse, ou encore Charles Pieri, ex-leader présumé du Front de libération nationale de la Corse (FLNC), un mouvement qui a récemment menacé de reprendre la lutte armée.
Parmi les 2.000 à 3.000 personnes réunies au plus fort de la journée, massées devant l'église et dans les ruelles du village, nombreux brandissaient des "banderas", le drapeau corse frappé de la tête de Maure. Un drapeau breton et quelques drapeaux basques s'étaient également invités.
Mais le bleu-blanc-rouge était par contre invisible: "Le drapeau français, vous n'allez pas le voir aujourd'hui", lance un homme au crâne rasé à un journaliste, "il est persona non grata".
- "Qu'on le laisse tranquille" -
Sur une plaque de bois, à côté de la porte de l'église, un visage au pochoir regardait la foule: celui d'Yvan Colonna. Ici, il est l'enfant du pays, mort à 61 ans. Pas l'homme condamné par trois fois à la perpétuité pour l'exécution par balles du préfet Erignac, en février 1998 à Ajaccio. Un crime qu'il a toujours nié et dont beaucoup le croient innocent.
Christine Flori, 69 ans, visiteuse de prison, tenait à être là, pour un dernier adieu à celui qu'elle a rencontré une fois par mois, pendant 12 ans: "Yvan, il voulait vraiment revenir dans son île, pour que son île vive, soit respectée. Il voulait revenir dans sa bergerie et qu'on le laisse tranquille".
En témoignage de "solidarité", le parti autonomiste Femu a Corsica, de Gilles Simeoni, avait appelé à mettre tous les drapeaux en berne. La mise en berne mardi par la collectivité de Corse des trois drapeaux --corse, français et européen-- ornant sa façade avait pourtant été dénoncée comme "une faute" par le président-candidat Emmanuel Macron.
Jeudi, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin y avait même vu "une sorte d'insulte pour la famille Erignac, pour l'Etat français, pour les représentants de l'Etat".
L'agression d'Yvan Colonna, par un détenu condamné pour "association de malfaiteurs terroriste", alors qu'il demandait depuis des années à purger sa peine en Corse, avait soulevé une vague de colère dans l'île. Ce drame a aussi fait ressurgir la question de l'autonomie pour cette île-région de 340.000 habitants.
Au plus fort de la mobilisation contre l'"Etat français assassin", principal slogan des protestataires, 7.000 personnes selon les autorités, 15.000 selon les organisateurs, avaient manifesté, à Bastia, le 13 mars. Loin cependant des 40.000 qui avaient envahi les rues corses pour exprimer leur choc après l'assassinat du préfet Erignac.
Gérald Darmanin, venu trois jours en Corse mi-mars, s'est engagé à ouvrir des discussions "vers un statut d'autonomie restant à préciser". Une démarche qui a jusque là permis de ramener le calme.
E.Raimundo--PC