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L'Assemblée renverse le gouvernement Barnier dans un vote de censure historique
Le gouvernement de Michel Barnier est tombé: les députés de la gauche et du Rassemblement national ont conjointement adopté mercredi une motion de censure à l'Assemblée, la deuxième seulement de l'histoire de la Ve République, ouvrant une période de fortes incertitudes politiques et financières.
La présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun Pivet a annoncé que 331 députés ont voté la motion déposée par la gauche (alors que 288 voix étaient nécessaires) en réponse au 49.3 de Michel Barnier pour faire passer sans vote le projet de budget de la Sécurité sociale.
Trois mois seulement après sa nomination, conformément à la Constitution, Michel Barnier devra remettre immédiatement sa démission à Emmanuel Macron, tout juste de retour d'une visite d'Etat en Arabie saoudite.
"Ce n'est pas par plaisir que je n'ai présenté quasiment que des mesures difficiles", la "réalité" budgétaire ne "disparaîtra pas par l'enchantement d'une motion de censure", a-t-il déclaré, visiblement résigné, devant un hémicycle redevenu grave après des moments d'agitation.
En défense de la motion de censure, Eric Coquerel (LFI) a tancé l'"illégitimité" d'un gouvernement ne reflétant pas le résultat des législatives, et refusant de revenir sur la réforme des retraites. Boris Vallaud, patron des députés PS, accusant Michel Barnier de s'être "enfermé dans un tête à tête humiliant" avec la leader du RN Marine Le Pen.
Malgré les nombreuses concessions obtenues dans la dernière ligne droite, la cheffe de file du groupe d'extrême droite a fustigé la politique proposée par le Premier ministre: "vous n'avez apporté qu'une seule réponse, l'impôt (...) la politique du pire serait de ne pas censurer un tel budget".
- Remplacement "rapide" ? -
A l'inverse les soutiens du gouvernement ont tiré à boulets rouges contre les députés censeurs.
"Qui allez-vous condamner ? La France", a attaqué Gabriel Attal, patron des députés macronistes. Laurent Wauquiez, chef du groupe Les Républicains (LR) a tancé une "comédie d'une insoutenable légèreté" et accusé Marine Le Pen de "faire le choix du chaos".
Si Emmanuel Macron a appelé à "ne pas faire peur" en évoquant un risque de crise financière, Michel Barnier n'a pas hésité à dramatiser l'enjeu.
Attendu à 6,1% du PIB en 2024, bien plus que les 4,4% prévus à l'automne 2023, le déficit public raterait son objectif de 5% en l'absence de budget, et l'incertitude politique pèserait sur le coût de la dette et la croissance.
Les regards qui s'étaient détournés de l'Élysée vont désormais se concentrer sur Emmanuel Macron.
Le chef de l'Etat pourrait choisir "rapidement" un Premier ministre, selon tous ses interlocuteurs. Un empressement inhabituel qui vise à limiter l'incertitude pesant sur les esprits et les marchés.
Une nomination avant la cérémonie en grande pompe de réouverture de la cathédrale Notre-Dame de Paris, samedi, est "possible", estime un proche. Mais "rien n'est acté", assure l'entourage présidentiel.
Et l'équation Matignon semble toujours aussi complexe, avec l'impossibilité d'une dissolution et de nouvelles élections législatives avant sept mois.
- "Non censure" contre "démission" -
Le fragile "socle commun" qui a soutenu le gouvernement sortant pourrait se fissurer sur "l'après". Laurent Wauquiez a déjà rappelé que la coalition de septembre "ne valait que pour Michel Barnier".
Gabriel Attal propose lui un accord de "non censure" avec le PS pour échapper à la tutelle du RN. "Affranchissez-vous" de la France insoumise, a-t-il lancé dans l'hémicycle aux socialistes.
Côté casting, les noms du président du MoDem François Bayrou, du ministre des Armées Sébastien Lecornu ou du LR Xavier Bertrand circulent.
"On prend les choses à l'envers (...) la question des politiques menées doit être prédominante", insiste Cyrielle Chatelain, cheffe des députés écologistes.
La gauche reste désunie sur l'avenir. Le PS voudrait "un gouvernement de gauche ouvert au compromis", que la droite et le centre s'engageraient à ne pas censurer, en échange d'un renoncement au 49.3.
LFI continue d'appeler à la démission d'Emmanuel Macron. Il "est aujourd'hui un obstacle, et en rien une solution", a insisté Eric Coquerel.
La petite musique résonne aussi sporadiquement dans d'autres camps, notamment chez des personnalités de droite.
Marine Le Pen, si elle refuse d'appeler à la démission au nom du "respect pour la fonction suprême", montre la porte : "c'est à sa raison de déterminer s'il peut ignorer l'évidence d'une défiance populaire massive que (...) je crois définitive".
Mardi, le chef de l'État a balayé les appels à la démission: ils relèvent selon lui de "la politique fiction".
sac-sl-parl/hr/dsa
L.Torres--PC