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Thyssenkrupp taille dans ses effectifs, symbole de la crise de l'acier européen
Le sidérurgiste allemand Thyssenkrupp va supprimer des milliers d'emplois et réduire la production de ses hauts fourneaux, illustrant les déboires de l'acier européen plombé par la concurrence chinoise et embarqué dans une transition écologique complexe et coûteuse.
Le couperet est tombé lundi, une semaine après des résultats annuels alarmants: le premier sidérurgiste allemand va se séparer de 11.000 de ses 27.000 employés dans sa branche aciérie d'ici 2030.
Environ 5.000 postes dans la production et l'administratif seront supprimés, tandis que 6.000 seront externalisés, a indiqué Thyssenkrupp Steel, filiale phare du conglomérat Thyssenkrupp, l'un des plus vieux industriels allemands qui compte 98.000 salariés.
Les coûts salariaux seront aussi réduits d'en moyenne 10%, seule façon de "créer des perspectives à long terme" pour cette division en crise structurelle depuis plusieurs années, selon le directoire.
L'envolée des prix de l'énergie, particulièrement sensible en Allemagne dans le sillage de la guerre en Ukraine, a encore pesé sur les coûts de production.
- "Concurrence déloyale" -
"De plus en plus, les surcapacités et l'augmentation des importations à bas prix qui en résulte, notamment en provenance d'Asie, pèsent considérablement sur la compétitivité", justifie le sidérurgiste dans un communiqué.
Thyssenkrupp, comme les autres sidérurgistes implantés en Europe, met aussi en œuvre une complexe et coûteuse transition énergétique, de plus en plus menacée tant les entreprises du secteur peinent à dégager des profits.
Cette crise est inédite depuis celle de 2009, a alerté la fédération européenne de l'acier Eurofer en octobre.
Samedi, le sidérurgiste ArcelorMittal dont le bénéfice net a été divisé par trois au troisième trimestre, a décidé de retarder le début de sa production d'acier décarboné à Dunkerque.
Le numéro deux mondial de l'acier demande à l'Union européenne de protéger la compétitivité de l'acier européen, mettant dans la balance ses projets de décarbonation sur le Vieux continent et des milliards d'euros d'investissements à la clé.
La Chine ayant peu ou prou "terminé de construire ses infrastructures", que ce soit des ponts, des routes, des autoroutes, des aéroports, etc... elle exporte désormais ses surcapacités, explique à l'AFP Marcel Genet, expert en sidérurgie et fondateur de la société Laplace Conseil.
"Les exportations chinoises ne vont ni en Europe, ni aux Etats-Unis, mais par effet ricochet, la Chine prend la place" de l'Europe vers ses marchés d'exports en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie du Sud-Est ou en Amérique du Sud.
La baisse des prix est accentuée selon lui par l'embargo sur les exportations russes d'acier à destination de l'Europe ou des Etats-Unis, qui a poussé la Russie à "réorienter ses exportations notamment vers l'Asie"
A Duisburg, berceau de Thyssenkrupp, la production d'acier vert doit débuter en 2027 grâce à une infrastructure inédite subventionnée à hauteur de 2 milliards d'euros.
Produit à partir d'hydrogène issu d'énergies renouvelables, l'acier vert est crucial pour atteindre l'objectif de réduction de 40% des émissions de CO2 en Allemagne d'ici 2030.
Pas de retard annoncé pour le moment mais "l'installation risque d'être plus chère que prévu", a concédé Thyssenkrup.
- Une "catastrophe" -
La restructuration annoncée est une "catastrophe pour les salariés et l'industrie de Rhénanie du Nord-Westphalie", berceau du groupe dans l'ouest de l'Allemagne, a dénoncé le syndicat IG Metall.
Le ministre-président de la région Hendrik Wüst a dit attendre de l'entreprise qu’il n'y ait "pas de licenciements économiques", pour l'instant écartés par Thyssenkrupp Steel.
Selon le plan présenté lundi, les capacités de production d'acier seront ramenés à une fourchette comprise entre 8,7 et 9 millions de tonnes, contre 11,5 millions aujourd'hui.
En outre, le site de Kreuztal-Eichen (ouest de l'Allemagne), qui emploie 1.000 personnes selon la presse locale, sera fermé et un haut-fourneau de Duisburg vendu.
En parallèle, le groupe entend toujours se séparer progressivement de Thyssenkrupp Steel, un processus accéléré en mai avec l'acquisition de 20% des parts par le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, via sa holding EPCG.
Des discussions sont en cours sur une participation supplémentaire de 30 % pour EPCG, avec l'objectif de créer une société commune détenue à parts égales.
Les suppressions d'emplois de Thyssenkrupp Steel sont un énième revers pour l'économie allemande, confrontée depuis la rentrée à une litanie de plans sociaux en raison d'une compétitivité affaiblie et d'une conjoncture morose.
V.Fontes--PC