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La peine maximale requise contre Dominique Pelicot
Espérant que le procès des viols de Mazan permette de "changer les rapports entre hommes et femmes", l'accusation a donné le ton lundi en demandant des peines sévères contre les 21 premiers accusés, dont la peine maximale de 20 ans de réclusion à l'encontre de Dominique Pelicot.
Cette affaire à l'écho international, où une cinquantaine d'hommes sont accusés d'avoir violé une femme, Gisèle Pelicot, droguée par son désormais ex-époux Dominique, "marquera un avant et un après", a en tout cas estimé le Premier ministre Michel Barnier, à l'occasion de la Journée internationale de l'élimination de la violence à l'égard des femmes.
"Je vous demanderai de déclarer Dominique Pelicot coupable de l'ensemble des faits qui lui sont reprochés", avait lancé lundi matin à Avignon, devant la cour criminelle de Vaucluse, la vice-procureure Laure Chabaud au sujet du septuagénaire, dénominateur commun des 50 coaccusés, ces 50 hommes de 26 à 74 ans auxquels il avait livré son épouse, préalablement sédatée aux anxiolytiques, à leur domicile conjugal de Mazan (Vaucluse), entre juillet 2011 et octobre 2020.
Evoquant la "personnalité structurée sur un mode pervers" du principal accusé, 71 ans, la magistrate a estimé qu'il était à la "recherche de son propre plaisir" via la "soumission, l'humiliation, voire l'avilissement de son épouse".
Dominique Pelicot, qui avait reconnu les faits, affirmant avoir voulu "soumettre une femme insoumise", a paru touché par la peine requise contre lui. "Il est abattu", a témoigné son avocate, Me Béatrice Zavarro.
Concernant Caroline, la fille du couple, persuadée d'avoir elle aussi été victime de viol ou d'agression sexuelle de la part de son père, Laure Chabaud a par contre estimé qu'aucun élément n'avait été trouvé permettant à ses "souffrances de trouver une traduction juridique".
- Après Gisèle Halimi, Gisèle Pelicot -
Ouvrant le réquisitoire du parquet, Jean-François Mayet, procureur général adjoint, avait lui estimé qu'au delà des peines, "l'enjeu" de ce procès était de "changer fondamentalement les rapports entre hommes et femmes".
Cette question "de la domination masculine sur les femmes" est un sujet "loin d’être inconnu de tous", a-t-il rappelé, dressant un parallèle avec le procès des viols d'Aix-en-Provence de 1978, où une autre Gisèle, l'avocate Gisèle Halimi, avait fait reconnaître le viol comme un crime.
Et ces réquisitions étaient scrutées de près tant la victime principale, Gisèle Pelicot, 71 ans, a accédé au statut d'icône féministe internationale après avoir refusé que le procès se déroule à huis clos, "pour que la honte change de camp".
L'accusation a ensuite requis une peine d'emprisonnement de 17 ans contre Jean-Pierre M., seul accusé à ne pas être poursuivi pour agression sexuelle sur Gisèle Pelicot mais sur sa propre épouse.
Puis la magistrate s'est attachée à battre en brèche par anticipation les arguments de la défense, rejetant les supposés "consentement implicite" ou "consentement par procuration" qu'aurait donnés Mme Pelicot: "On ne peut plus, en 2024, dire +puisqu'elle n'a rien dit, elle était d'accord+, c'est d'un autre âge".
- "De la nuance" -
De même, "si les vidéos montrent une certaine insistance (de Dominique Pelicot), aucune pression, aucun chantage, aucune menace n'est perceptible", a-t-elle relevé, écartant l'argument de la "manipulation".
Si la plupart des accusés sont poursuivis pour les mêmes faits, à savoir des viols aggravés sur Gisèle Pelicot, et risquent donc tous 20 ans de prison, l'individualisation des peines est obligatoire. Mais l'accusation a placé la barre très haut en abordant les premiers coaccusés.
Contre Joseph C., 69 ans, le seul poursuivi pour "atteinte sexuelle en réunion" et non pour viols ou tentative de viols, le parquet a ainsi requis quatre ans de prison ferme.
Puis les réquisitions sont allées crescendo, à raison d'un quart d'heure par accusé: 10 ans contre 11 d'entre eux, 11 ans contre deux autres, puis 12 ans contre quatre, 13 ans contre un.
Des demandes qualifiées d'"ahurissantes" et "hors de proportion" par certains avocats de la défense, qui ont reproché au parquet d'avoir requis sous l'influence de "l'opinion publique".
"Je crains la suite. (...) On juge par l'opinion publique, et ça, nous ne pouvons pas, nous en défense, l'accepter", a estimé Me Louis-Alain Lemaire, avocat de quatre accusés.
"Le parquet avait le sabre de l'opinion publique dans le dos", a abondé son confrère Patrick Gontard, avocat de Jean-Pierre M.: "Procès hors normes, réquisitions hors de proportion. J'espère que le verdict ne sera pas hors normes, parce qu'à ce moment-là, je chercherai la justice", a averti Me Gontard, suggérant qu'il pourrait faire appel.
"Il faut de la nuance dans les peines, ça on ne peut le comprendre qu'en suivant le procès", avait témoigné avant même l'ouverture de l'audience Brigitte Jossien, 74 ans, directrice de magasin à la retraite, arrivée dès 05h45 pour assister au procès.
Le réquisitoire, officiellement prévu sur trois jours, pourrait en fait s'achever dès mercredi en fin de matinée. La parole sera alors donnée dans la foulée aux avocats de la défense. Le verdict est attendu le 20 décembre au plus tard.
G.M.Castelo--PC