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Aux Philippines, le retour des combats de coqs
Dans un gallodrome bruyant des Philippines, Dennis de la Cruz sourit jusqu'aux oreilles en regardant ses coqs taillader leurs adversaires dans une frénésie de sang et de plumes.
Fermées pendant deux ans durant la pandémie de Covid-19, les arènes traditionnelles de combats de coqs retrouvent leur pleine capacité dans tout l'archipel.
Interdits dans de nombreux pays, les combats de coqs, ou "sabong", sont extrêmement populaires aux Philippines où ils génèrent des millions d'euros en paris chaque semaine.
Des coqs portant des ergots artificiels en métal sur leurs pattes se battent jusqu'à la mort, sous les vivats des spectateurs - majoritairement des hommes.
"Dans notre village, plus de la moitié des habitants font des combats de coqs", a déclaré à l'AFP M. de la Cruz, 64 ans, lors d'un récent derby à San Pedro, au sud de la capitale Manille, où il a failli remporter la cagnotte d'un million de pesos (17.400 euros).
Fils d'un opérateur de gallodrome, M. de la Cruz n'a jamais eu d'emploi régulier, mais il vit des gains que lui rapportent les coqs élevés par son neveu.
Dans ce pays aux inégalités marquées, les combats de coqs constituent un rare "terrain neutre" où riches et pauvres se mêlent et jouent selon les mêmes règles, a déclaré l'anthropologue Chester Cabalza de l'Université des Philippines.
Adhérant à un code d'honneur strict, les spectateurs ont pour habitude d'utiliser des signes de la main, comme les courtiers en Bourse, pour placer leurs paris pendant un match qui peut durer moins d'une minute.
Un seul combat génère fréquemment 300.000 à 400.000 pesos en paris, a expliqué un fan à l'AFP.
Après chaque combat - il y en a 15 par heure - des billets de banque froissés sont lancés vers le parieur gagnant.
Les gallodromes doivent dorénavant être dotés de machines à parier où les gagnants peuvent récupérer leur argent sans multiplier les interactions avec la foule.
"Si votre coq gagne, vous sortez du ring comme un dur, vous dégagez une image de macho", déclare Edwin Lumbres, éleveur de gibier à plumes, en bombant le torse. "Mais si vous perdez, vous baissez la tête et vous sortez en traînant les pieds".
- "Jusqu'à la mort" -
Les passionnés défendent ce sport comme une partie intégrante de la culture nationale.
Katrina Del Espiritu Santo, de l'association People for the Ethical Treatment of Animals, mène campagne pour l'interdiction d'une pratique jugée cruelle, où les oiseaux sont "forcés de se battre jusqu'à la mort".
Mais aux Philippines, les efforts des militants ont peu d'effet. Les coqs de combat y restent très prisés, ils peuvent coûter entre 3.000 et 15.000 pesos selon le palmarès de leurs parents.
Les volailles de combat sont élevées dans des cages grillagées à l'extérieur des maisons dans les zones urbaines ou dans des abris de forme triangulaire dans les fermes.
Lorsque les gallodromes ont fermé au début de la pandémie, de nombreux petits éleveurs qui n'avaient plus les moyens de nourrir leurs bêtes ont été contraints de les vendre à bas prix - ou de les manger.
D'autres ont admis avoir organisé des combats illégaux pour joindre les deux bouts.
Afin de relancer la tradition et de faire rentrer des recettes dans les caisses de l'Etat vidées par la pandémie, l'ancien président Rodrigo Duterte avait délivré des permis pour organiser des combats en ligne.
Les combats de "e-sabong", diffusés 24H/24, se déroulaient dans des arènes vides, et permettaient aux gens de parier sur leur téléphone portable.
La popularité de ce sport a explosé, tout comme les gains.
Le gouvernement engrangeait 640 millions de pesos par mois en droits d'entrée, selon son président d'alors.
Charlie Ang, qui dirige Lucky 8 Star Quest, a déclaré à une commission d'enquête du Sénat que les Philippins pariaient chaque jour entre un et deux milliards de pesos sur sa plateforme, ce qui selon lui représente environ 95% des paris.
Mais 34 employés du secteur ont disparu cette année et les médias locaux ont rapporté des suicides de parieurs acculés par les dettes.
Sous pression, M. Duterte a fini par stopper les combats en ligne, peu avant la fin de son mandat en juin.
Avec l'assouplissement des restrictions, les gouvernements locaux ont petit à petit permis aux gallodromes traditionnels de reprendre les combats, un soulagement pour des millions de Philippins.
"Les gens étaient en colère parce que leur passe-temps favori avait été supprimé", a déclaré Dondon Clanor, un passionné de 45 ans. "Maintenant, tout le monde est heureux".
L.Torres--PC