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Un témoin charge des proches de l'ex-Premier ministre cambodgien au procès d'un attentat visant l'opposition
Un ancien fonctionnaire de l'ONU a témoigné mercredi devant la cour d'assises de Paris, accusant deux hauts responsables de la garde rapprochée de l'ancien Premier ministre cambodgien Hun Sen d'avoir organisé l'attentat visant Sam Rainsy, figure de l'opposition, à Phnom Penh.
Brad Adams, 64 ans aujourd'hui, travaillait au bureau des droits de l'Homme de l'ONU à Phnom Penh en 1997.
Il est arrivé sur les lieux de l'attaque à la grenade, quelques minutes après l'explosion.
"En arrivant, j'ai tout de suite vu une femme sur le sol, ses deux jambes avaient été arrachées mais elle était encore consciente", a raconté le juriste à la cour.
"Des gens essayaient de venir en aide aux victimes mais les soldats les en empêchaient", a-t-il poursuivi. "Cette femme aurait peut-être pu être sauvée sans ça".
Le 30 mars 1997, plusieurs grenades avaient explosé en plein rassemblement de l'opposition pour dénoncer la corruption du système judiciaire.
L'attaque ciblait Sam Rainsy, ancien ministre des Finances et principal adversaire politique du Premier ministre de l'époque, Hun Sen.
Sam Rainsy, 76 ans aujourd'hui, avait été légèrement blessé par l'explosion tandis qu'au moins 16 personnes avaient été tuées, dont son garde du corps, et 150 autres blessées en plein cœur de Phnom Penh.
Deux hommes sont jugés devant la cour d'assises de Paris: Hing Bun Heang et Huy Piseth, 68 et 69 ans, tous les deux membres de la garde rapprochée de l'ancien Premier ministre.
Seuls les bancs des parties civiles sont occupés, par Sam Rainsy et son épouse, Saumura Tioulong.
Costume bleu marine, cheveux grisonnants, Brad Adams, le juriste californien appelé à témoigner, a raconté à la barre son enquête de plusieurs mois sur l'attentat, pour le compte de l'ONU.
Il a assuré avoir remonté la chaîne de commandement et avoir obtenu des témoignages concordants indiquant l'implication des deux accusés, décrits comme des porte-flingues du Premier ministre de l'époque.
"Vous savez, Hun Sen est un dictateur classique, ce qu'il dit fait office de loi. On n'est pas en France ou aux États-Unis, rien ne passe, surtout pas une opération comme celle de mars 97 sans qu'il y ait un ordre venu de Hun Sen", a-t-il expliqué.
L'enquête de l'ONU a servi de base de travail à la juge d'instruction française, Sabine Khéris, tout comme les investigations menées par la police fédérale américaine (FBI), la Commission des affaires étrangères du Sénat américain, ainsi que l'ONG Human Rights Watch.
En 2021, près de 20 ans après la plainte déposée à Paris par Sam Rainsy et l'ouverture d'une information judiciaire, elle avait conclu que Hing Bun Heang avait recruté des hommes pour perpétrer l'attentat et que Huy Piseth avait facilité la fuite des lanceurs de grenades.
- "Je revois les morts" -
La première matinée de ce procès par défaut a été consacrée aux déclarations de Sam Rainsy. Pendant plusieurs heures, le Franco-Cambodgien a raconté sa version des faits et évoqué ses souvenirs de la manifestation.
"Dans quelques jours, cela va faire 28 ans, mais pour moi c'est comme si c'était hier", a-t-il déclaré à la barre.
"Je revois les morts, les blessés, les flaques de sang. Cette scène continue de me hanter", a poursuivi le Cambodgien, naturalisé français en 1974.
Les deux accusés encourent la réclusion criminelle à perpétuité pour complicité de tentative d'assassinat.
Depuis le Cambodge, l'un d'eux a répondu la semaine dernière aux questions d'un journaliste de l'AFP, niant toute implication dans l'attentat.
"Je l'ai expliqué beaucoup de fois. Ça n'a rien à voir avec moi", avait déclaré Hing Bun Heang.
"Venez me poursuivre au Cambodge", a-t-il lancé, qualifiant Sam Rainsy de "politicien dérangé".
Homme fort du Cambodge, Hun Sen est devenu Premier ministre en 1985, à seulement 32 ans, et n'a démissionné qu'en 2023 au profit de son fils, Hun Manet.
En presque 40 ans à la tête du pays, il n'a pas hésité à museler l'opposition pour se maintenir au pouvoir, bâillonnant la presse et condamnant ses adversaires à des peines de prison motivées par des considérations politiques, selon des défenseurs des droits humains.
Le verdict devrait être rendu vendredi.
G.M.Castelo--PC