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Les salariés du jeu vidéo en grève contre les licenciements
Plusieurs dizaines de salariés de studios de jeux vidéo se sont réunis jeudi à Paris devant les locaux de Don't Nod pour demander l'arrêt des licenciements, ont constaté des journalistes de l'AFP.
"On est inquiets, en colère et prêts à se battre", a affirmé Gaëlle, programmeuse de 28 ans, employée dans ce studio français qui traverse une mauvaise passe.
Don't Nod a annoncé en octobre vouloir se séparer de 69 employés dans le cadre d'un projet de réorganisation, soit plus de 20% de ses effectifs en France.
Lors cette quatrième journée de mobilisation, les salariés de l'entreprise ont été notamment rejoints par des employés de Spiders, qui a connu un mouvement de grève en septembre pour une amélioration de leurs conditions de travail, et du géant français Ubisoft.
"C'est la panade dans toute l'industrie", se désole Emilien Regent, 35 ans, programmeur au studio Ubisoft Paris Mobile qui a rejoint la mobilisation.
Celle-ci s'inscrit dans l'appel plus large lancé par la CGT pour une journée de mobilisations contre les plans de licenciements.
"On se sent de plus en plus sur un siège éjectable", a-t-il ajouté, "ce qui se passe chez Don't Nod pourrait arriver chez nous demain".
- "Dialogue de sourds" -
Début décembre, Ubisoft a annoncé la fermeture de ses antennes à San Francisco (États-Unis) et Osaka (Japon) et la suppression de 277 postes à l'étranger, après le lancement décevant du jeu en ligne XDefiant.
Dans la tourmente, l'entreprise a fait état fin octobre de résultats financiers en net recul au premier semestre, après le report à février de la sortie du très attendu "Assassin's Creed Shadows" et les ventes plus faibles que prévu de "Star Wars Outlaws", sur fond de rumeurs de rachat.
Lundi, les syndicats d'Ubisoft ont dénoncé "un dialogue de sourds préoccupant" autour des négociations sur le télétravail, qui ont mené à une grève en octobre — la deuxième de l'année — mobilisant près de 1.000 salariés, sur les 4.000 en France.
Sur la base d'un sondage interne, ils indiquent que "près de 200 collègues envisagent de quitter l'entreprise" si le groupe maintenait sa décision d'imposer au moins trois jours de présence au bureau par semaine.
Le groupe a lancé il y a près de deux ans un plan d'économies au niveau mondial menant au départ de près de 2.000 salariés, via des départs non remplacés et des licenciements.
Pour "permettre à l'entreprise de retrouver sa sérénité", Ubisoft a annoncé mercredi la tenue d'une journée de concertation avec les syndicats et le CSE le 22 janvier "afin d'établir notre plan de travail 2025 sur les questions sociales".
Une main tendue accueillie "de manière circonspecte" par Pierre-Etienne Marx, délégué STJV au sein d'Ubisoft Paris: "C'est une parole, c'est bien. Maintenant, on attend des actes".
- "Restructuration" -
Les patrons de studios s'inquiètent également de la censure du gouvernement Barnier et de l'arrêt de l'examen du budget 2025, qui maintenait jusqu'en 2031 le crédit d'impôt jeu vidéo, principal outil de financement public de cette industrie en France.
Sans ce dispositif, le secteur ferait face "à une délocalisation massive", "des licenciements et des fermetures de studios en France", a affirmé à l'AFP le député Denis Masséglia (Renaissance), qui avait déposé l'amendement assurant sa prorogation jusqu'à 2031.
S'il souhaite le faire voter à nouveau lors du prochain budget, l'élu espère garder "a minima le dispositif en l'état jusqu'en 2026".
Mais pour Stéphane Rappeneau, professeur d'économie du jeu vidéo à la Sorbonne, "la protection sociale ne suffira pas à pallier les difficultés" d'Ubisoft et Don't Nod.
"Aujourd'hui, 80% du secteur est à la peine", constate-t-il, alors qu'au niveau mondial, l'industrie connaît une année particulièrement difficile.
"Dans le contexte actuel, il n'y aura pas de sortie facile sans une restructuration en profondeur" de ces entreprises, ajoute-t-il.
Réorganisation, diversification, utilisation plus parcimonieuse des fonds alloués: pour l'économiste, les pistes ne manquent pas. Mais il avertit: "dans les cinq années à venir, ces boîtes vont devoir se séparer d'au moins 30% de leurs salariés".
H.Portela--PC