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Dans l'Ukraine en guerre, le printemps prend des couleurs patriotiques
Dans son jardin dans l'Ouest de l'Ukraine, Ivanna Kouziv, une comptable à la retraite, rassemble pour le marché une brassée de jonquilles et de campanules jaunes, des fleurs aux couleurs du pays en guerre.
C'est une coïncidence que ses protégées rappellent l'une des couleurs du drapeau jaune et bleu ukrainien, assure cette femme qui approche les 70 ans. "Mais j'aime bien, cela fait honneur à l'Ukraine", lance-t-elle.
Depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février, la population de la ville de Vynnyky s'est évaporée. Nombre de mères et d'enfants ont fui à l'étranger, laissant les hommes chercher du travail ou attendre d'être mobilisés dans l'armée.
"Les gens sont inquiets", explique Ivanna. Mais le printemps n'attend pas, et le jardin qu'elle a hérité de son arrière grand-mère est en fleurs.
La plupart des jours, elle coupe quelques narcisses, les trempe dans un sceau d'eau et se rend en ville pour les vendre.
Les couleurs du drapeau ukrainien, représentant le bleu du ciel et le jaune d'un champ de blé, sont omniprésentes à Lviv, grande ville de l'Ouest du pays. Elles sont sur les voitures, sur des raviolis ou des gâteaux "patriotiques" dans les restaurants ou encore sur les bouquets de fleurs.
Dans le centre-ville, deux femmes dans de longs manteaux apportent des bouquets de grandes marguerites safran et indigo à des funérailles militaires très suivies à la cathédrale locale.
Parmi les dizaines d'hommes et de femmes marchant en silence derrière le corbillard, un militaire tient dans son poing des tulipes des deux couleurs.
A la gare, un soldat de 22 ans attend impatiemment avec ses 101 tulipes jaunes enroulées d'une bande bleue, destinées à sa bien-aimée, qu'il n'a pas vue depuis deux mois et qui doit arriver de l'Est.
- "Du positif" -
Olga Fityo-Styslo vend deux types de jonquilles au marché aux fleurs: les unes avec leurs couleur naturelles, d'autres avec une teinture bleu marine.
"Il y a une guerre en cours, et la couleur du drapeau est jaune et bleu", rappelle-t-elle. "Puisqu'il n'y a pas de fleurs bleues au début du printemps, j'ai décidé de donner un coup de main à la nature".
Cette femme de 55 ans, qui vend des fleurs au marché depuis 1996, raconte avoir arrêté de travailler pendant quelques jours lorsque la guerre a éclaté.
Lorsqu'elle est revenue début mars, elle a été surprise de trouver autant de clients. De nombreux réfugiés ont rejoint Lviv, relativement épargnée, souvent avec très peu de possessions.
"Il y a beaucoup de déplacés et ils veulent des fleurs. Ils y trouvent du positif", dit Olga.
Même lorsqu'elles ne sont pas des couleurs de la nation, les pétales décorent tous les coins de Lviv.
Un médecin attendant une amie à un distributeur de billets serre un énorme bouquet de fuchsias, roses et tulipes. C'est pour un anniversaire.
Au pied d'une stèle de la Vierge Marie, une vieille femme prie devant des des pots de tulipes roses. La statue est entourée d'échafaudages, mais ceux qui veulent la protéger des bombardements russes semblent avoir manqué de sacs de sable.
Malgré cette omniprésence, le business floral n'est plus aussi rayonnant qu'autrefois, regrette la fleuriste Myroslava Koumetchko.
Entourée de fleurs, cette femme de 40 ans explique que 70% de ses ventes avant la guerre concernaient des baptêmes, des anniversaires et des mariages.
Autant de revenus qui ont désormais en grande partie disparu. Par ailleurs, elle ne peut rester longtemps au marché car ses trois enfants doivent étudier à la maison.
"Ce n'est plus ce que c'était", résume-t-elle.
A.Motta--PC