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Etat de droit: la CJUE valide un dispositif clé, Varsovie et Budapest dans le viseur
Bruxelles est désormais au pied du mur pour sanctionner les violations de l'Etat de droit, en particulier en Pologne et en Hongrie, après la validation mercredi par la justice de l'UE d'un dispositif inédit permettant de priver de fonds européens les récalcitrants.
La Cour de justice européenne, dont la décision était pour la première fois retransmise en direct, a sans surprise rejeté les recours en annulation introduits par la Hongrie et la Pologne contre ce régime de "conditionnalité".
"Ce mécanisme a été adopté sur une base juridique adéquate" et "respecte les limites des compétences attribuées à l'Union ainsi que le principe de sécurité juridique", indique notamment la Cour dans un communiqué.
Le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a dénoncé un "élargissement des compétences" de l'UE "très dérangeant et dangereux". La Hongrie, par la voix de sa ministre de la Justice Judit Varga, a fustigé une "décision politique" liée à la loi sur l'homosexualité adoptée cet été à Budapest, très critiquée dans l'Union européenne.
Paris s'est à l'inverse félicité d'une "bonne nouvelle", tout comme Berlin pour qui cet arrêt "renforce notre communauté de valeurs".
"La voie est libre pour que la Commission agisse", a tweeté le ministre néerlandais des Affaires étrangères Wopke Hoekstra, exprimant le "soutien total" de son pays, de la Belgique et du Luxembourg.
Chargée d'activer ce mécanisme inédit, la Commission européenne avait accepté, en accord avec les Vingt-Sept, d'attendre l'avis de la Cour avant d'agir, alors que le règlement est en vigueur depuis le 1er janvier 2021.
Depuis des mois, le Parlement européen s'impatiente. Il a même engagé un recours pour inaction contre la Commission.
Mais une réaction immédiate n'est pas à l'ordre du jour: l'exécutif européen va "analyser attentivement" l'arrêt de la Cour et en tiendra compte pour adopter "dans les semaines à venir" des "lignes directrices" pour appliquer le mécanisme, a indiqué sa présidente, Ursula von der Leyen.
Elle a souligné que "certains cas" faisaient l'objet d'une "évaluation approfondie" et assuré de sa "détermination".
La Commission avait envoyé en novembre des lettres à la Pologne et la Hongrie exposant à nouveau ses critiques sur le respect de l'Etat de droit dans ces deux pays de l'ex-bloc de l'Est.
Côté hongrois, la Commission a évoqué des problèmes de passation de marchés publics, de conflits d'intérêts et de corruption. Concernant Varsovie, sont visées les atteintes à l'indépendance des juges et la remise en cause de la primauté du droit européen et des décisions de la CJUE.
- "Plus d'excuse" -
"Ce jugement n'est pas une surprise, donc adopter des lignes directrices devrait être une question de jours, plutôt que de semaines", a lancé l'eurodéputé allemand Daniel Freund (Verts) lors d'une conférence de presse.
"Il n'y a plus d'excuse désormais pour ne pas déclencher ce mécanisme contre ces deux gouvernements (...) Nulle part il n'est dit qu'il ne s'applique pas en cas de campagne électorale", a-t-il ajouté.
La commission pourrait être réticente à lancer une action contre Budapest qui pourrait être instrumentalisée politiquement alors que les législatives hongroises du 3 avril verront le Premier ministre souverainiste Viktor Orban affronter une alliance de l'opposition.
Les ONG Amnesty International, Human Rights Watch et Liberties ont aussi appelé Bruxelles à agir. "L'UE ne peut pas se permettre de retarder son action (...) Les juges, les journalistes, les militants et les citoyens hongrois et polonais ne peuvent pas attendre", a déclaré Eve Geddie, du bureau européen d'Amnesty.
Le règlement permet de priver de fonds européens un pays où sont constatées des violations de l'Etat de droit qui "portent atteinte ou risquent de porter atteinte" aux intérêts financiers de l'UE, "d'une manière suffisamment directe". Une éventuelle suspension ou une réduction des paiements doit être endossée par au moins 15 Etats membres sur 27.
Le mécanisme s'applique aux fonds versés dans le cadre du budget européen, qui constituent des sommes conséquentes pour ces deux pays -ils figurent parmi les principaux bénéficiaires nets des fonds européens-, ainsi qu'aux plans de relance post-Covid. Ceux de la Pologne et de la Hongrie n'ont toujours pas été approuvés.
Parmi les instruments à disposition de l'UE pour lutter contre les atteintes aux principes démocratiques, il pourrait s'avérer le plus efficace. La procédure de l'Article 7 du traité sur l'UE, déclenchée contre la Pologne et la Hongrie, permet de sanctionner un pays pour non respect des valeurs de l'UE. Elle peut aller jusqu'à le priver de son droit de vote au Conseil mais s'est révélée en pratique impossible à mener à terme.
X.Matos--PC